L’ampleur sans précédent des incendies qui ont frappé le Canada cette année met en évidence la vulnérabilité du pays face aux crises environnementales. Les milliers de feux de forêt ont émis, à eux seuls cette année, et à ce jour, l’équivalent de plus d’un milliard de tonnes de dioxyde de carbone. Du jamais-vu, ont estimé les autorités canadiennes. L’énormité de ce chiffre prend tout son sens comparé aux émissions annuelles du Japon, cinquième pollueur mondial, qui représentent l’équivalent de 1,12 milliard de tonnes de CO2 en 2021. C’est aussi davantage que les émissions annuelles de l’ensemble du secteur aérien mondial en 2022, qui s’élèvent à près de 0,8 milliard de tonnes de CO2.
Dans ce contexte alarmant, la réduction de l’empreinte carbone devient une question cruciale, non seulement pour l’environnement mais aussi pour l’économie canadienne. L’innovation et la durabilité ne sont plus des choix, mais des impératifs. Et c’est ici que le Green IT entre en jeu. Au-delà de la simple réduction de l’empreinte écologique, il offre un avantage stratégique tangible pour les entreprises canadiennes, ouvrant de nouvelles opportunités de marché et alignant les pratiques commerciales avec les normes internationales.
Dans une économie où les frontières traditionnelles entre éthique, technologie et rentabilité semblent s’estomper, cet article explore comment le Green IT est devenu une orientation fondamentale pour naviguer dans les eaux complexes du commerce international au XXIe siècle, surtout à une époque où les défis climatiques prennent une ampleur sans précédent.
Le numérique responsable : une vision d’avenir
Les avancées technologiques ont permis une croissance fulgurante du numérique. Cependant, cette croissance s’est souvent faite au détriment de l’environnement. La consommation d’énergie des centres de données, la fabrication des équipements électroniques, et la génération de déchets électroniques sont autant de facteurs qui contribuent à l’empreinte carbone du secteur. Mais des entreprises québécoises montrent la voie à suivre pour concilier numérique et environnement.
Sensibiliser pour agir
La première étape pour amorcer ce virage vert réside dans la sensibilisation. Il est impératif que les entreprises canadiennes comprennent l’enjeu crucial du numérique responsable. Pour y parvenir, il est essentiel de mettre en place des programmes éducatifs adaptés. Des séminaires, ateliers, et formations dédiés peuvent être des outils précieux pour préparer les décideurs et entrepreneurs canadiens à cette mutation inévitable.
Le rôle clé des gouvernements
Si l’initiative privée joue un rôle crucial, les gouvernements ont aussi un rôle majeur à jouer. Les mesures législatives, comme celle adoptée par la France, peuvent encourager une utilisation plus responsable du numérique. Au Québec, bien que la sensibilisation à ces enjeux reste un défi, l’intégration de critères écologiques dans les appels d’offres pourrait être un levier puissant pour encourager les entreprises à adopter des pratiques plus durables.
L’Europe, un exemple à suivre en matière de numérique vert
L’Europe est en avance dans le mouvement pour un numérique plus respectueux de l’environnement. Avec le Pacte vert européen initié en 2019, le continent vise à devenir le premier neutre en carbone d’ici 2050. Une ambition notable de ce pacte concerne directement le secteur du numérique. En effet, les dirigeants européens envisagent de diminuer significativement l’empreinte carbone des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), tout en promouvant une utilisation plus responsable et durable de ces outils. De plus, la mise en place du RGPD témoigne de la volonté européenne de combiner protection des données personnelles et durabilité environnementale. C’est un exemple inspirant qui démontre que développement numérique et respect de l’environnement ne sont pas mutuellement exclusifs.
Aux États-Unis : la SEC ouvre un nouveau chapitre de régulation sur la transparence climatique des sociétés cotées
En mars 2022, la SEC (Securities and Exchange Commission) a présenté une proposition visant à instaurer un cadre de reporting climatique pour les entreprises cotées. Cette proposition est intitulée “The Enhancement and Standardization of Climate-Related Disclosures for Investors”.
Si elle est adoptée, cette mesure imposerait aux entreprises cotées aux États-Unis de fournir des rapports détaillés couvrant trois catégories de reporting climatique :
Exposition aux risques climatiques : cette section englobe les risques physiques, comme les incendies et les inondations, ainsi que les risques de transition, notamment réglementaires, technologiques et liés à la réputation. Les entreprises devraient fournir des informations sur l’impact stratégique, financier et opérationnel de ces risques, ainsi que sur leurs processus de gouvernance et de gestion des risques y afférents.
Émissions de gaz à effet de serre : les sociétés devront publier un rapport audité sur les émissions directes de gaz à effet de serre liées à leurs activités (Scope 1) et sur les émissions indirectes associées à leurs achats d’énergie (Scope 2). Les entreprises ayant un objectif de transition, ou celles dont les autres émissions indirectes sont significatives, devront également fournir des informations sur les émissions générées en amont et en aval de leur chaîne de valeur (Scope 3).
Objectifs et stratégie de transition : les sociétés devront divulguer tout objectif existant concernant la réduction des émissions, l’utilisation d’énergie, la conservation de la nature ou les revenus tirés de produits à faible empreinte carbone.
Cette proposition a suscité une consultation publique qui a recueilli plus de 15 000 commentaires. Du côté positif, les partisans saluent l’ambition du texte et son alignement avec d’autres normes internationales. Ils encouragent la SEC à se rapprocher davantage des standards internationaux et certains voudraient même que toutes les entreprises cotées déclarent leurs émissions Scope 3. Quant aux réticences, elles concernent principalement le reporting des émissions Scope 3. Plusieurs suggestions ont été faites soit pour retirer cette obligation, soit pour prolonger le délai de mise en œuvre, étant donné la complexité liée à la collecte et à la vérification des données du Scope 3.
Ainsi, si l’objectif de la SEC est d’accroître la transparence et la standardisation du reporting climatique pour les entreprises cotées, les enjeux de sa mise en œuvre résident dans la capacité à trouver un équilibre entre ses partisans et ses détracteurs.
Le Canada à la croisée des chemins
Le Canada, doté d’un riche potentiel technologique et de vastes ressources naturelles, est cependant en retard en matière de numérique vert. Bien que le pays possède des infrastructures numériques robustes, elles n’ont pas été conçues avec une vision écologique affirmée. En ne suivant pas les tendances mondiales vers un numérique plus responsable, le Canada risque non seulement de perdre en compétitivité, notamment vis-à-vis du marché européen exigeant, mais aussi de voir son image internationale ternie.
Talsom et Valtech : les exemples Canadiens d’une démarche responsable
Ces entreprises, avec leurs approches distinctes, démontrent qu’il est possible d’adopter une démarche numérique responsable.
Talsom a placé la durabilité au cœur de sa stratégie d’entreprise. La certification BCorp, la feuille de route pour réduire l’empreinte carbone, l’accent mis sur la durabilité du matériel et l’économie d’énergie, sont autant de mesures concrètes qui témoignent de leur engagement. Leur réussite, illustrée par une réduction significative de leur empreinte carbone en un temps record, prouve l’efficacité de ces démarches.
Valtech, avec sa vision de la carboneutralité, met l’accent sur l’éducation et l’implication de ses employés. Que ce soit en promouvant l’utilisation d’énergies renouvelables, en privilégiant l’équipement usagé, ou en conseillant leurs clients sur des pratiques numériques respectueuses de l’environnement, Valtech montre que chaque action compte.
Le numérique responsable transcende les simples tendances pour s’établir comme un impératif du XXIe siècle. Face à l’urgence climatique accentuée par les incendies dévastateurs, le Canada détient non seulement la possibilité mais aussi la responsabilité de s’orienter vers le numérique vert. Avec ses ressources et son expertise, le pays est idéalement positionné pour être un pionnier dans ce domaine. La synergie entre initiatives privées et actions gouvernementales pourrait propulser le pays en tant que leader mondial du numérique responsable, démontrant que progrès technologique et conservation de l’environnement peuvent harmonieusement coexister. Le chemin vers un numérique responsable n’est en revanche pas seulement une marche éthique ou environnementale; c’est aussi une route truffée d’opportunités commerciales. En embrassant ces nouvelles normes, les entreprises canadiennes peuvent se positionner en leaders dans cette transition mondiale. Ce leadership n’est pas seulement une source de fierté; il offre un avantage concurrentiel tangible, permettant de devancer les réglementations futures et de répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des partenaires commerciaux en matière de développement durable.
Rédigé par Olivia DENIS